Etat des âmes 3 - En Iran

Publié le par BosTrotters

Voilà longtemps que je n’ai pas écrit sur notre état d’esprit. Certainement les aléas de mes deux retours en France, de la boîte de vitesse, du changement de cap via l’Iran à cause de la difficulté à trouver un moyen pour se rendre en Egypte… Tout ça nous a pas mal chamboulé et on s’est posé pas mal de question depuis 2 mois. Mais voilà, aujourd’hui nous sommes en Iran, nous profitons et nous avons retrouvé notre rythme. Je peux à nouveau reprendre la plume et fournir des explications.

Tout d’abord, j’ai changé ma façon d’écrire. Non pas que la précédente ne me convenait pas mais c’est arrivé comme ça. Le fait de faire des allers et retours en France avait changé notre rythme et je suis passé d’une écriture à la semaine à une écriture plus quotidienne, avec plus de détails et moins d’analyse. Je ne sais pas quelle écriture est la meilleure. La première me permettait d’éviter de vous faire un récapitulatif détaillé de tous nos faits et gestes, qui n’ont au final que peu d’intérêt, en axant plus sur notre état d’esprit, nos réflexions. La seconde permet de présenter un peu plus les caractéristiques quotidiennes de la vie à bord et les lieux visités. Mais la tête étant prise par d’autres sujets je n’avais pas la force ou plutôt pas la tête à ça. Donc la narration est venue naturellement. Et enfin, depuis l’Iran peut-être ou disons depuis que nous sommes à nouveau réunis tous les 5 et que nous pouvons laisser les soucis un peu de côté, je reprends du plaisir à écrire et j’essaie de trouver le fameux mélange entre narration et analyse qui permet de répondre à la question que je me pose :

Pourquoi j’écris ?

Est-ce pour vous faire profiter de notre périple ? Est-ce pour tenir informé la famille et la rassurer ? Est-ce pour laisser une trace pour notre mémoire (vacillante avec l’âge !) ou pour nos enfants ? Est-ce pour prendre du recul sur ce que nous vivons et ne pas simplement « consommer » ce tour du monde comme des vacances ?

Certainement un peu de tout cela, mais pour ma part écrire est un moyen de profiter une deuxième fois de ce que nous vivons et surtout de réfléchir à ce que nous faisons. Pourquoi nous sommes partis faire ce voyage ? Qu’est ce qui nous plaît ? Qu’est ce qui nous déplait ? Pourquoi ce n’est pas tous les jours facile, joyeux ? Pourquoi certains jours tout roule et avec Mélanie on se dit « ouah, quelle journée » alors que la journée n’a rien d’exceptionnelle, juste un pic-nic dans un lieu tranquille, les enfants qui jouent, pas de stress, pas d’ennuis. Et pourquoi parfois alors que tout devrai être parfait on ne parvient pas à être dedans, à profiter ? Pour les enfants c’est pareil, il y a des jours avec, des jours sans. On se rend compte que l’on n’a pas besoin d’un lieu exceptionnel pour être bien. Les lieux exceptionnels sont souvent remplis de touristes et le rapport avec les gens est faussé par le porte-monnaie ambulant que nous devenons instantanément. Un lieu simple, calme mais surtout authentique nous suffit.

Je pourrais alors aller me coucher paisiblement. Mais ainsi le fait d’écrire me donne l’occasion d’y réfléchir. De comprendre ce qui nous a poussés à partir. On nous pose souvent cette question et nous répondons automatiquement que c’est pour voir le monde, que la vie est trop courte pour passer son temps enfermé à la maison, que c’est un moyen d’ouverture d’esprit pour nos enfants, que l’on ne passait pas suffisamment de temps avec eux pour les voir grandir. Bien sûr ces réponses sont vraies. Mais on ne se lève pas un matin en se disant «Tiens je vais enfin me réveiller et profiter plutôt que suivre mon petit train-train quotidien ». Il y a autre chose. Un manque en nous. Et chaque jour passé dans ce voyage depuis 4 mois nous apporte un petit bout de réponse.

Les trois années que nous avions planifiées seront-elles suffisantes pour opérer un changement dans nos habitudes Française ou alors à notre retour, nous rallumerons cette télé que nous avons désormais en horreur. Cette télé qui symbolise ma faiblesse. Je sais qu’elle ne m’apporte pas ce dont j’ai besoin, envie. Mais je suis incapable de me décoller de devant une de ces séries américaines quand j’ai le malheur de commencer. Aurons-nous la force de continuer à vivre en répondant aux besoins simples et suffisant de notre bonheur ou retombera-t-on dans la facilité du train-train quotidien ? Car cela demande un effort. L’effort d’écouter nos enfants, d’écouter sa femme, de s’écouter soi-même et d’entreprendre ce que l’on a envie.

Alors écrire permet de revenir sur ces instants où ça fonctionne et de comprendre pourquoi ça nous plaît. Une rencontre, un lieu, ou rien, juste du calme. Nous n’avons pas édicté de règle impérative à suivre, elles viennent naturellement. Nous ne nous consultons pas de façon très organisée, juste saisir les paroles, être à l’écoute et surtout ne pas se forcer mais écouter nos envies. En Iran, nous sommes souvent invités, sollicités et dire non n’est pas évident. Pourtant nous avions retenu un conseil des « IdriveAdream » qui était de ne pas dire non, de saisir toutes les opportunités. Si ce conseil a été suivi quasiment à la lettre jusqu’à aujourd’hui, l’Iran nous apprends à « sentir » encore plus précisément nos envies. Et quand il s’agit de « sentir », Mélanie et moi sommes presque toujours en accord, peut-être grâce aux 20 années déjà passées ensemble !

Alors maintenant que je sais pourquoi j’écris, où en est-on ?

Nous sommes partis il y a seulement (ou déjà) 4 mois, nous avons parcouru 13000km, nous avons traversé 8 pays. Nous avons fait de belles rencontres, vu de beaux paysages, découvert d’autres façons de vivre (pas uniquement sur l’aspect matériel mais surtout sur leur rapport à l’autre). Nous avons eu notre lot de galères aussi. Mais bon je ne sais plus qui disait : « Ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort ».

Nous ne sommes pas encore « lassés » de cette vie-là. Enfin, je ne dis pas qu’il n y a pas de moment de doute. Jade par exemple a été déstabilisée depuis la venue de Papy et Mamie. Elle réclame ses copines. Pour elle le tour du monde c’est aller voir les girafes en Afrique. Elle nous le répète à l’envie. « Oui mais après on rentre alors ? Tu ne veux pas aller voir les éléphants en Asie, les glaciers en Argentine, les volcans au Costa-Rica ? » « Si ! ». Comment analyser ce qu’elle nous dit ? Veut-elle vraiment rentrer ? Voir ses copines ? Ou a-t-elle besoin de plus de contact avec des enfants ? Est-ce juste de la nostalgie ? Ou bien cette vie-là ne lui convient pas ? Trouver la réponse est important pour qu’elle puisse profiter à nouveau.

Liou, tout au contraire, a trouvé son équilibre. Des contacts réguliers sur Skype avec ses copains et copines lui suffisent et elle a apaisé ses angoisses. Elle nous suit en profitant. Elle qui ne voulait pas parler Anglais nous a surpris en discutant avec une fille chez Hassan. Simplement elle a besoin d’être sûre de ce qu’elle va dire avant de se lancer (Jade ne se formalise pas tant). Elle profite, prend plaisir et s’implique dans nos choix.

Alix, a compris maintenant que cette vie-là c’était pour un bout de temps. Il a compris que les gens allaient lui caresser la tête, qu’il allait poser sans cesse, qu’il fallait être toujours mignon, beau, gentil… Donc il fait le contraire ! Il sait que pour jouer et faire des bêtises c’est avec Jade, que pour les câlins ou se faire aider pour un oui ou pour un non c’est Liou. Par contre il est toujours autant à la recherche des hommes. Déjà quand je n’étais pas souvent à la maison, il avait besoin d’une présence masculine qu’il trouvait avec Francis, notre voisin. Maintenant il s’installe régulièrement à côté d’un homme : Mamadou à Erzurum (TR), Hassan à Bu’in Zhara (IR)…

Nous prenons conscience que l’on néglige ces derniers temps de permettre aux enfants d’avoir des moments rien que pour eux. Que le rythme adopté en Iran (durée du visa oblige) n’est pas compatible avec des journées OFF. Ce genre de journées où nous sommes posés avec rien au programme. Ces journées où n’ayant rien prévus de faire, nous faisons plein de choses ! Rangement, nettoyage, réparations, école, lessive, … et aussi des activités en famille, ou alors justement des activités avec l’un des enfants seulement. Ne pas se laisser déborder par notre quotidien ! Comme quoi même en faisant un tour du monde nous adoptons des habitudes !

Nous approchons de Noël ! N’est-ce-pas le bon moment ? Le magazine Reportages sur TF1 nous proposait il y’a quelques temps de réaliser un reportage sur notre façon de vivre le moment de Noël. Si nous avons trouvé naturel de décliner la proposition tant la réponse nous paraissait évidente et en contradiction avec le fait d’avoir une équipe de tournage avec nous ce jour-là, la question aura eu le mérite de soulever cette évidence : passer Noël en famille malgré que nous ne soyons pas croyant. Je profite de dire cela alors que nous sommes actuellement en Iran et que ne pas être croyant est incompréhensible à leurs yeux. Nous avons souvent entendu de la part de nos interlocuteurs « It’s my duty » que l’on pourrait traduire par « c’est mon devoir ». J’ai du mal avec cette notion. Je lui préfère la formule « C’est avec plaisir ». Mais pour certains musulmans que nous avons rencontrés, la foi en dieu est plus forte que leur propre plaisir. Déroutant pour mon esprit (trop étriqué peut-être). Mais une bonne leçon pour comprendre nos hôtes et mieux cerner leurs motivations à nous inviter. Ainsi nous déclinons les invitations lorsque leurs auteurs proposent de nous aider et nous acceptons volontiers lorsque la motivation est de l’ordre de l’échange… Nous sommes plus à l’aise dans un rapport donnant-donnant.

Ecrire me permet de comprendre tout cela...

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S
Merci pour ce post... A l'heure où je m'apprête à rédiger une mise à jour qui date de 3 mois... alors que je n'attends que le bon moment pour écrire la suite de Miss Terre, tes réflexions sur l'écriture m'inspirent et font bouger mes doigts sur le clavier... <br /> 4 mois, c'est à peu près le temps qu'il m'a fallu pour entrer dans le voyage, trouver mes marques... Avec presque les mêmes questions que tu poses ! Profite et laisse venir les choses comme tu le fais. Les hauts et les bas, remarque-les dans l'instant, puis prends du recul... Ton écriture au quotidien te permet de remarquer les choses et d'y être attentif, d'ouvrir les yeux et le coeur dans l'instant. Et l'écriture hebdomadaire ou mensuelle offre de la profondeur, du recul, de la hauteur selon l'axe dans lequel tu portes la réflexion... Tes mots reflètent les deux et sont agréables à lire. Continue. Surtout si écrire te fait du bien. Car telle est ma réponse actuelle : j'écris pour me faire du bien, parce que ça me remplit, ça me ressource, ça me stimule, ça m'ouvre les yeux, le coeur et l'esprit... L'écriture, comme toute activité offre ses cadeaux au fur et à mesure de la pratique. Ainsi en est-il du sport, du temps passé à jouer ou regarder les enfants vivre. Le voyage t'offre tout cela. Bonne route. Je suis heureux de lire que vos soucis sont désormais un peu plus loin derrière vous. Cela vous promet un très beau voyage. Excellente année à toute la famille. Thierry
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B
Merci Thierry pour ce message. De la part d'un &quot;pro&quot; c'est sympa!<br /> Effectivement l'écriture permet de vivre et non de consommer ce voyage.<br /> J'espère que vous profitez bien de votre séjour en Martinique et que vous trouverez rapidement votre &quot;Casita&quot; des mers! <br /> Tout de bon à vous six!<br /> Arnaud
M
Bonjour,<br /> J'ai une autre réponse à vous suggérer sur le pourquoi de vos écrits: vous permettez à des personnes comme moi de rêver, de visiter, de voyager... Avec mon mari nous sommes camping caristes et notre voyage est prévu pour l'an prochain. Nous partirons en couple, nos 3 enfants(2filles et un fils) sont adultes et autonomes, mais j'aurais aimé leur faire vivre une aventure comme la votre! Nous ne nous connaissons pas et pourtant j'ai l'impression de vous connaitre un peu, et quand vous n'écrivez pas je vous localise grâce à la balise! Donc il faut continuer à écrire, avec ma copine Anne-Marie nous vous suivons assidument ! Merci d'avoir fait ce blog, bon voyage profitez de chaque instant même lors des journées OFF, vous vivez le plus important: vous êtes ensemble! Et puis ici l'hiver est arrivé avec le froid et la grisaille alors le dépaysement nous fait du bien!
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