Etat des âmes 4 - L’Ethiopie, 9ème mois de voyage et un gros doute !
Attention, la lecture de ce post n’est pas sans effet. C’est violent et pas agréable. Ce n’est en aucun cas un règlement de compte ni un coup de gueule ponctuel mais c’est le résultat de trois semaines de doutes… Pas du tout dans la lignée de mes écrits précédents. Alors est-ce que je publie ça ?! Si je ne le fais pas je mens, je me mens, je vous mens. Mais si je le publie libre à chacun de venir lire ou non ! Bon ok ! Vous êtes prévenus!
Nous restons ouverts à tout conseil pour comprendre et mieux accepter cette situation.
Je vous invite par ailleurs à lire les autres articles sur l'Ethiopie qui complètent celui-ci. Notre avis aura évolué un peu au gré des expériences dans d'autres régions.
Pourquoi nous voyageons ?
Voilà une question préalable essentielle qui nous a guidés dans notre itinéraire. Bien sûr les paysages extraordinaires peuvent être une très bonne motivation, l’école du voyage pour les enfants une bonne excuse, le ras-le-bol ou un burn-out le déclic mais ce qui nous fait vibrer, Mélanie comme moi, ce sont les populations et leur myriade de cultures. Pas de doute, nous sommes frustrés lorsque nous ne parvenons pas à entrer en contact, nous sommes en transe quand nous sommes accueillis chez quelqu’un. Et il faut dire que nos premiers mois de voyage ne nous ont pas déçus. Une fois quitté l’Europe et démarré véritablement notre tour du monde nous avons visité uniquement des pays musulmans. La Turquie, l’Iran, les Emirats, Oman, l’Arabie Saoudite, l’Egypte et le Soudan nous ont accueillis avec toute la tradition et l’hospitalité propre à leur religion et leur culture. Nous y avons vécu des moments très intenses qui nous ont comblés…
Jusque-là pas de doutes!
Mais voilà nous arrivons en Ethiopie et tout est différent. La première différence est anodine mais finalement assez importante. A la douane, ce n’est pas le portrait du dictateur, euh, je veux dire du dirigeant en place qui est accroché au-dessus des officiers, c’est le calendrier d’une des nombreuses marques de bière du pays. Cela me fait sourire et me fait dire : enfin un pays civilisé… La deuxième différence est de taille, nous quittons les déserts pour arriver dans un pays de montagne totalement recouvert de cultures. Une abondance agricole qui nous rappelle la vallée du Nil, sauf qu’ici le pays est presque totalement vert à l’exception de la dépression du Danakil. Pas vraiment l’image que nous avions inconsciemment de ce pays. Plutôt l’enfant mourant de faim, au ventre gonflé, aux mouches envahissant les yeux et la bouche. Est-ce là encore un cliché ? Les kilos de riz collectés dans les écoles pendant les années 80 pour sauver la population d’une famine terrible, c’était bien pour l’Ethiopie ? Toutes ces œuvres humanitaires qui font de l’Ethiopie la première destination mondiale des aides ne peuvent pas se tromper ? Pourquoi tous les voyageurs nous parlent des deux faces de l’Ethiopie : Vous verrez, une fois passé les YouYou, l’Ethiopie c’est magnifique !… ?
Forcément on doute!
Alors pourquoi je n’ai pas écrit sur les trois premières semaines en Ethiopie ? Tout simplement parce que nous espérions avoir démarré sur une mauvaise impression. Nous pensions que la fatigue accumulée au Soudan nous avait rendus un peu trop critique et nous voulions laisser le temps aux Ethiopiens de nous démontrer que nous nous trompions. Nous pensions que peut-être seule la région de Gondar était comme ça et que l’accueil serait différent dans le reste du pays. Nous voulions y croire et nous avions envie que l’Ethiopie nous prouve que nous nous trompions. Mais force est de constater que l’Ethiopie, loin de nous combler, nous dégoûte. Ces mots sont dures mais cela fait trois semaines que nous luttons. Trois semaines que nous nous disons il ne faut pas s’arrêter à ça… A tour de rôle Mélanie me réconforte quand je suis blessé, je la soutiens quand elle se prend une gifle !
Les paysages sont superbes, exceptionnels, rien à redire là-dessus. Mais l’accueil est à l’opposé de tout ce que nous apprécions. Les « YouYou » criés par les enfants qui courent à côté du cc paraissent si sympathiques… Ils sont immédiatement suivis de « MoneyMoney ». Nous en comprenons désormais le sens et la portée : « Toi Toi, le Blanc, donnes-nous ton argent !». Tout comme les sifflets ou les cris à notre passage, pas très accueillant.
Forcément on doute!
C’est terrible d’écrire cela et je vais choquer. Vous pouvez vous dire que je me trompe (je l’espère encore même si je n’y crois plus vraiment). Vous pouvez vous dire que nous sommes trop sévères, qu’il faut prendre en compte l’histoire, leurs conditions de vie précaires, … J’y ai longuement réfléchi. Mais je ne leur trouve plus d’excuses. Si encore nous avions le droit à un bonjour avant que systématiquement on nous demande de l’argent, de l’eau, du pain, des stylos, des ballons de foot, mon appareil photo, nos bijoux, le camping-car (c’est pas une blague) !!!... Mais non, ils dénigrent le blanc, ne le considèrent que pour son argent et l’histoire leur a donné raison. Les kilos de riz pendant les années 80 c’était pour nourrir les troupes en guerre contre l’Érythrée, pas pour les enfants. Les blancs se sont bien fait avoir. Pourtant les ONG se bousculent en Ethiopie. Pas un village qui n’ai ses pancartes des bienfaiteurs (payeurs). Ici une pompe, là une école, un dispensaire, un programme agricole, d’irrigation, des formations à la gestion de l’eau… Il y a des ONG pour tout, partout. L’UNESCO (pour l’éducation donc) leur offre même des camions-grues !? Très utile dans une école ! L’abondance, la surabondance contraste totalement avec le Soudan. Il est intéressant de préciser que le Soudan est quasi-désertique, que les bédouins vivent ou survivent dans des conditions terribles mais cela ne nous avait pas choqué, c’est ainsi depuis toujours. Pas une ONG au Soudan à part pour les trois camps de réfugiés provenant de l’Erythrée. Nous n’avons vu nulle part d’aide à l’irrigation, à l’éducation… Alors quand nous voyons ici la profusion de programmes en tout genre dans des villages de paysans entourés de champs cultivés, de bétail bien nourris et équipés de la 3G (merci Orange !). Nous ressentons un léger malaise. Le summum, et c’est la goutte d’encre qui alimente ma plume ce soir, c’est ce semi-remorque d’aide alimentaire distribué dans l’enceinte de l’église d’un village qui a fait du Khat (drogue) sa culture exclusive. Effectivement lorsque l’on produit de la drogue sur la moindre parcelle disponible, il est difficile de nourrir la famille et pourquoi acheter quand les ONG distribuent ?! Cette production a remplacé presque totalement la culture du café autour de la ville d’Harar d’où provient le fameux et excellent café. Mais le Khat rapporte 5 à 10 fois plus.
Forcément on doute!
Nous ne ferions pas ce constat si nous n’avions accumulé tant de désillusions en trois semaines. La première escroquerie nous a surpris et nous ne retombons toujours pas. Dès notre arrivée en Ethiopie dans la ville de Gondar, nous avons été invités par un jeune Ethiopien chez lui. Jusque-là tout nous semble parfaitement normal puisque cela fait des mois que nous sommes régulièrement invités. Mais nous ne nous attendions pas à ce que l’on nous présente la facture et bien salée ! Surréaliste ! Sur le coup on se dit que l’on s’est fait avoir comme des bleus. On paie le tiers et on tourne les talons. Ensuite c’est l’hôtel sur le parking duquel nous nous étions garés qui double le prix dans la nuit. « Vous comprenez, sinon le manager va prélever la différence sur mon salaire… ». L’agence qui organise le trek qui vous dit « pour les enfants, oui pas de soucis, c’est seulement 5h de marche par jour, oui il y a des mules si les enfants sont fatigués, oui vous pouvez payer le solde au retour ». Tout s’avère faux. 8h de marche quotidienne, les mules nous avons dû les payer en plus, c’est 240 par jour sauf que l’on oublie de vous dire que pour deux jours de mules il faut en payer une troisième journée ( !?). Etc… Voilà quelques-unes des escroqueries pour les seuls premiers jours de présence en Ethiopie.
Alors après forcément on doute !
Et nous avons encore aujourd’hui des remords lorsque nous sommes méfiants. Ce n’est pas dans nos habitudes, nous préférons faire confiance. Cela ne paie pas toujours, la preuve en est que l’on peut se faire « voler » son entreprise ou mettre au prud’homme par le candidat à la reprise de son affaire… Mais voilà, nous sommes peut-être naïfs mais nous préférons faire confiance que vivre dans la suspicion. Pourtant l’Ethiopie nous malmène. Au moins l’agent de l’office de Tourisme de Mekele aura été clair avec nous quand nous nous sommes « étonnés » du tarif de la carte touristique de l’Ethiopie. « 40 euros pour ce dépliant !? » « Vous les blancs vous pouvez bien payer ça ! » Plus de doute, le blanc est là pour se faire dépouiller et ils n’ont pas de remords. 50 dollars pour visiter les églises de Lalibella ! Même les entrées dans certains villages sont payantes pour les « foreigners ». On double, triple tous les prix dès que l’on voit que vous êtes étranger. A force, le doute ou la certitude fatigue. Marre de devoir recompter systématiquement le nombre de pains que l’on achète, la monnaie que l’on vous rend, de faire reformuler plusieurs fois jusqu’à obliger son interlocuteur à répondre clairement oui ou non on peut se garer là et combien ça nous coûtera au final. Encore ce soir après avoir demandé à la Police, s’être fait indiquer le lieu, avoir payé le garde, avoir accepté le contrôle du camping-car, des passeports, à 21h40 un « commandant » est venu cogner à la porte, nous hurler dessus, nous demander d’indiquer immédiatement notre identité, d’expliquer de quel droit nous étions venus nous garer sur le parking de la mairie et nous ordonner de partir… en présence du policier qui nous avait amené là ! Et il ne faut pas compter sur lui pour confirmer. Il pense peut-être que nous avons forcé le portail en présence du garde qui se fait discret bien sûr car il a déjà été payé ! Je fini par les laisser hurler dehors mais à 5h45 du matin ils se mettent à frapper le cc pour nous faire dégager, ce que nous n'aurons d'autres choix que de faire. Bienvenue en Ethiopie!
Forcément on doute!
Il y a aussi les enfants qui vous font le signe de vous trancher la gorge quand Mélanie à la portière passager ne veut pas leur acheter leurs mangues parce que je suis en train d’en acheter côté conducteur avec d’autres. Les jeunes adultes qui lancent un caillou de toute leur force sur le cc à notre passage ou les plus jeunes des bouteilles d’eau. Ceux qui se mettent au milieu de la route pour vous faire arrêter (ils ne savent pas que l’on n’arrête pas un camping-car comme ça)… J'oubliais, une tomate jetée sur nous à Gondar et une mangue à Harar. Sans compter les mimes de tirs. La liste est interminable.
Forcément on doute!
Qu’il est lassant de saluer en permanence des enfants comme des adultes qui ne prennent pas la peine de vous répondre autre chose que « MoneyMoney ». La mendicité fait partie intégrante de leur culture. Et pas seulement vis-à-vis des blancs. Nous avons même été surpris de voir des jeunes faire de même avec les minibus, une femme vociférer après un chauffeur qui ne veut pas lui donner. Je ne parle pas des nécessiteux en breloques qui meurent sur les trottoirs mais de villageois bien habillés et chaussés.
Forcément on doute!
Comment nous analysons le fait que les ONG soient présentes ici et pas dans les zones plus difficiles ? Le terme est sévère : tourisme humanitaire ! Si vous avez le choix entre deux semaines dans un désert à 45°C en pleine poussière dans les conditions les plus difficiles à tenter l’impossible ou 2 semaines tout confort en Ethiopie avec 32°C, des hôtels avec eau courante et resto, des arbres, des fleurs, un bon steak et une bière fraîche, vous préférez ? D’autres éléments entrent probablement dans l’équation avec en premier plan certainement la religion.
Forcément on doute!
Trois semaines de doute, trois semaines à se dire que ce sont nous les méchants qui critiquent de pauvres éthiopiens, trois semaines à leurs laisser mille occasions de nous prouver le contraire. Mais bon, on ne se refait pas, pour nous un bonjour c’est une main agitée, pas une main tendue, un « Hello », un « Salamno » pas un « Money » ou « one Birr ». La faute à 8 mois de voyage dans d’autres pays, d’autres cultures, d’autres visions de l’hospitalité… ou de la politesse.
Forcément on doute!
Au Soudan, pourtant une fois nous avions été choqués et cela m’avait inspiré une longue tirade sur le blog. Ici ce sont les bonnes surprises que nous comptons, cette commerçante à Gondar qui nous fait payer le vrai prix, ce manager Philippin à Bahir Dar qui nous accueille sur le parking du lodge et nous demande de quoi nous aurions besoin (depuis le Soudan on ne nous avait plus posé cette question !), ces bédouins Afar qui acceptent qu’on les prennent en photo sans réclamer de l’argent (bon on leur avait donné des bouteilles d’eau mais quand même), ces enfants dans le parc Awash qui défilent pour qu’on les prennent en photo et dont le père traîne une pauvre chèvre en train de mettre bas pour nous montrer la naissance du chevreau. Finalement nous sommes mauvaise langue, il y a même parfois des enfants qui nous font coucou sans réclamer !
Alors forcément on doute!
Nous avions bien dit que nous voyagions pour faire des rencontres, découvrir des cultures, des peuples… De quoi se plaint-on ? Le doute c’est que nous pensions bêtement n’avoir que des bonnes surprises ! C’est idiot !
Du coup on admire les paysages mais un paysage c’est si fade sans un sourire (franc) !